I think we live at a point of extreme darkness and extreme brightness. Extreme darkness, because we really do not know from which direction the light would come. extreme brightness, because we ought to have the courage to begin anew.
Michel Foucault in a dialogue with Baqir Parham.
Iranian Revolution, September 1978.

Sur le voile par Frantz Fanon

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Le haïk délimite de façon très nette la société colonisée algérienne. On peut évidemment demeurer et indécis et perplexe devant une petite fille, mais toute incertitude disparaît au moment de la puberté. Avec le voile, les choses se précisent et s'ordonnent. La femme algérienne est bien aux yeux de l'observateur : « celle qu se dissimule derrière son voile ».

Nous allons voir que ce voile, élément parmi d'autres de l'ensemble vestimentaire traditionnel algérien, va devenir l'enjeu d'une bataille, à l'occasion de laquelle les forces d'occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes et les plus diverses, et où le colonisé déploiera une force étonnante d'inertie. La société coloniale, prise dans son ensemble, avec ses valeurs, ses lignes de force et se philosophie, réagit de façon assez homogène en face du voile. Avant 1954, plus précisément depuis des années 1930-1935, le combat décisif est engagé. Les responsables de l'administration française en Algérie, préposés à la destruction de l'originalité du peuple, chargés par les pouvoirs de procéder coûte que coûte à la désagrégation des formes d'existence susceptibles d'évoquer de près ou de loin une réalité nationale, vont porter le maximum de leurs efforts sur le port de voile, conçu en l'occurrence, comme symbole du statut de la femme algérienne. Une telle position n'est pas la conséquence d'une intuition fortuite. C'est à partir des analyses des sociologues et des ethnologues que les spécialistes des affaires dites indigènes et les responsables des Bureaux arabes coordonnent leur travail. A un premier niveau, il y a reprise pure et simple de la fameuse formule : « Ayons les femmes et le reste suivra. » Cette explication se contente simplement de revêtir une allure scientifique avec les « découvertes » sociologiques. Sous le type patrilinéaire de la société algérienne, les spécialistes décrivent une structure d'essence matrimoniale. La société arabe a souvent été présentée par les occidentaux comme une sociétés de l'extériorité, du formalisme et du personnage. La femme algérienne, intermédiaire entre les forces obscures et le groupe paraît alors revêtir une importance primordiale. Derrière le patriarcat visible, manifeste, on affirme l'existence, plus capitale, d'un matriarcat de base. Le rôle de la mère algérienne, ceux de la grand-mère, de la ta, te, de la « vieille » sont inventoriés et précisés.


L'administration coloniale peut alors définir une doctrine politique précise : « Si nous voulons frapper la société algérienne dans sa contexture, dans ses facultés de résistance, il nous faut d'abord conquérir les femme, il faut que nous allions les chercher derrière le voile où elles se dissimulent et dans les maisons où les hommes les cache. ». C'est la situation de la femme qui sera alors prise en compte comme thème d'action. L'administration dominante veut défendre solennellement la femme humiliée, mise à l'écart cloîtrée... On décrit les possibilités immenses de la femme, malheureusement transformée par l'homme algérien en objet inerte démonétisé, voire déshumanisé. Le comportement de l'Algérien est dénoncé très fermement et assimilé à des survivances moyenâgeuses et barbares. Avec une science infinie, la mise en place d'un réquisitoire type contre l'Algérien sadique et vampire dans son attitude avec les femmes, est emprise et menée à bien. L'occupant amasse autour de la vie familiale de l'Algérien tout un ensemble de jugements, d'appréciations, de considérants, multiplie les anecdotes et les exemples édifiants, tentant ainsi d'enfermer l'Algérien dans un cercle de culpabilité.

Des sociétés d'entraide et de solidarité avec les femmes algériennes se multiplient. Les lamentations s'organisent. « On veut faire honte à l'algérien du sort qu'il réserve à la femme. ». C'est la période d'effervescence et de mise en application de toute une technique d'infiltration au cours de laquelle des meutes d'assistance sociales et d'animatrices se ruent sur les quartiers arabes.

C'est d'abord le siège des femmes indigentes et affamées qui est entrepris. A chaque kilo de semoule distribué correspond une dose d'indignation contre le voile et la claustration. Après l'indignation, les conseils pratiques. Les femmes algérienne sont invitées à jouer « un rôle fondamental, capital » dans la transformation de leur sort. On les presse de dire non à une sujétion séculaire. On leur décrit le rôle immense qu'elles ont à jouer. L'administration coloniale investit des sommes importantes dans ce combat. Après avoir posé que la femme constitue le pivot de la société algérienne, tous les efforts sont faits pour en avoir le contrôle. L'Algérien, est il assuré, ne bougera pas, résistera à l'entreprise de destruction culturelle menée par l'occupant, s'opposera à l'assimilation, tant que sa femme n'aura pas renversé la vapeur. Dans le programme colonialiste, c'est à la femme que revient la mission historique de bousculer l'homme algérien. Convertir la femme, la gagner aux valeurs étrangères, l'arracher à son statut, c'est à la fois conquérir un pouvoir réel sur l'homme et posséder les moyens pratiques, efficaces, de déstructurer la culture algérienne ».

Encore aujourd'hui, en 1959, le rêve d'une totale domestication de la société algérienne à l'aide des « femmes dévoilées et complices de l'occupant », n'a pas cessé de hanter les responsables politiques de la colonisation. Les hommes pour leur part, font l'objet des critiques de leurs camarades européens ou plus officiellement de leurs patrons. Il n'est pas un travailleur européen qui, dans la cadre des relations interpersonnelles du chantier, de l'atelier ou du bureau ne soit amené à poser à l'Algérien les questions rituelles : « Ta femme est-elle voilée ? Pourquoi ne décides tu pas à vivre à l'européenne ? Pourquoi ne pas emmener ta femme au cinéma, au match, au café ? »

Les patrons européens ne se contente pas de l'attitude interrogative ou de l'invitation circonstanciée. Ils emploient des « manœuvres de sioux » pour acculer l'Algérien, et exigent de lui des décisions pénibles. A l'occasion d'une fête de Noël ou Jour de l'An, ou simplement une manifestation intérieure à l'entreprise, le patron invite l'employé algérien et sa femme. L'invitation n'est pas collective. Chaque algérien est appelé au bureau directorial et nommément convié à venir avec « sa petite famille ». L'entreprise étant une grande famille, il serait mal vu que certains viennent sans leurs épouses, vous comprenez n'est pas ?...devant cette mise en demeure, l'Algérien connaît quelques fois des moments difficiles. Venir avec sa femme, c'est s'avouer vaincu, c'est « prostituer sa femme », l'exhiber, abandonner une modalité de résistance. Par contre, y aller seul, c'est refuser de donner satisfaction au patron, c'est rendre possible le chômage. L'étude d'un cas choisi au hasard, le développement des embuscades tendues par l'Européen pour acculer l'Algérien à se singulariser, à déclarer : « Ma femme est voilée, elle ne sortira pas » ou à trahir « Puisque vous voulez la voir, la voici », le caractère sadique et pervers des liens et des relations, montreraient en raccourci, au niveau psychologique, la tragédie de la situation coloniale, l'affrontement pied à pied de deux systèmes, l'épopée de la société colonisée avec des spécificités d'exister, face à l'hydre colonialiste.

Avec l'intellectuel algérien, l'agressivité apparaît dans toute sa densité. Le fellah, « esclave passif d'un groupe rigide » trouve une certaine indulgence devant le jugement du conquérant. Par contre, l'avocat et le médecin sont dénoncés avec une exceptionnelle vigueur. Ces intellectuels, qui maintiennent leurs épouses dans un état de semi-esclavage, sont littéralement désignés du doigt. La société coloniale s'insurge avec véhémence contre cette mise à l'écart de la femme algérienne. On s'inquiète, on se préoccupe de ces malheureuses condamnées « à faire des gosses », emmurées, interdites.

En face de l'intellectuel algérien, les raisonnements racistes surgissent avec une particulière aisance. Tout médecin qu'il est, il n'en demeure pas moins arabe, « Chassez le naturel, il revient au galop »... Les illustrations de ce racisme peuvent être indéfiniment multipliées. En clair, il est reproché à l'intellectuel de limiter l'extension des habitudes occidentales apprises, de ne pas jouer son rôle de noyau actif de bouleversement de la société colonisée, de ne pas faire profiter sa femme des privilèges d'une vie plus digne et plus profonde... Dans les grandes agglomérations, il est tout à fait banal d'entendre un Européen confesser avec aigreur n'avoir jamais vu la femme d'un Algérien qu'il fréquente depuis vingt ans. A un niveau d'appréhension plus diffus, mais hautement révélateur, on trouve la constatation amère que « nous travaillons en vain »... que « l'Islam tient sa proie ».

En présentant l'Algérien comme une proie que se disputeraient avec une égale férocité l'Islam et la France occidentale, c'est toute la démarche de l'occupant, sa philosophie et sa politique qui se trouvent ainsi explicitées. Cette expression indique en effet que l'occupant, mécontent de ses échecs, présente de façon simplifiante et péjorative, le système de valeurs à l'aide duquel l'occupé s'oppose à ses innombrables offensives. Ce qui est volonté de singularisation, souci de maintenir intacts quelques morceaux d'existence nationale, est assimilé à des conduites religieuses, magiques, fanatiques.

Ce refus du conquérant, prends, selon les circonstances ou les types de situation coloniale, des formes originales. Dans l'ensemble, ces conduites ont été assez bien étudiées au cours des vingt dernières années ; on ne peut cependant affirmer que les conclusions auxquelles on est parvenu, soient totalement valables. Les spécialistes de l'éducation de base des pays sous développés ou les techniciens d'avancement des sociétés attardés, gagneraient à comprendre le caractère stérile et néfaste, de toute démarche qui illumine préférentiellement un élément quelconque de la société colonisée. Même dans le cadre d'une nation nouvellement indépendante, on ne peut, sans danger pour l'œuvre entreprise (non pour l'équilibre psychologique de l'autochtone), s'attaquer à tel ou tel plan de l'ensemble culturel. Plus précisément, les phénomènes de contre-acculturation doivent être compris comme l'impossibilité organique dans laquelle se trouve une culture, de modifier l'un quelconque de ses types d'exister, sans en même temps repenser ses valeurs les plus profondes, ses modèles les plus stables. Parler de contre-acculturation dans une situation coloniale est un non sens. Les phénomènes de résistance observés chez le colonisé doivent être rapportés à une attitude de contre-assimilation, de maintien d'une originalité culturelle, donc nationale.

Les forces occupantes, en portant sur le voile de la femme algérienne le maximum de leur action psychologique, devaient évidemment récolter quelques résultats. Ça et là il arrive que l'on « sauve » une femme qui, symboliquement, est dévoilée.

Ces femmes-épreuves, au visage nu et au corps libre, circulent désormais, comme monnaie forte dans la société européenne d'Algérie. Il règne autour de ces femmes une atmosphère d'initiation. Les européens surexcités et tout à leur victoire, par l'espèce de transe qui s'empare d'eux, évoquent les phénomènes psychologiques de la conversion. Et de fait, dans la société européenne, les artisans de cette conversion gagnent en considération. On les envie. Ils sont signalés à la bienveillante attention de l'administration.

Les responsables du pouvoir, après chaque succès enregistré, renforcent leur conviction dans la femme algérienne conçue comme support de la pénétration occidentale dans la société autochtone. Chaque voile rejeté découvre aux colonialistes des horizons jusqu'alors interdits, et leur montre, morceau par morceau, la chair algérienne mise à nu. L'agressivité de l'occupant, donc ses espoirs sortent décuplés après chaque visage découvert. Chaque nouvelle femme algérienne dévoilée annonce à l'occupant une société algérienne aux systèmes de défense en voie de dislocation, ouverte et défoncée. Chaque voile qui tombe, chaque corps qui se libère de l'étreinte traditionnelle du haïk, chaque visage qui s'offre au regard hardi et impatient de l'occupant, exprime en négatif que l'Algérie commence à se renier et accepte le viol du colonisateur. La société algérienne avec chaque voile abandonné semble accepter de se mettre à l'école du maître et décider de changer ses habitudes sous la direction et le patronage de l'occupant.

Nous avons vu comment la société coloniale, l'administration coloniale perçoivent le voile et nous avons esquissé la dynamique des efforts entrepris pour le combattre en tant qu'institution et les résistances développés par la société colonisée. Au niveau de l'individu, de l'Européen particulier, il peut être intéressant de suivre les multiples conduites nées de l'existence du voile, donc de la façon originale qu'a la femme algérienne d'être présente ou absente.

Pour un européen non directement engagé dans cette œuvre de conversion, quelles réactions est-on amené à enregistrer ?

L'attitude dominante nous paraît être un exotisme romantique, fortement teinté de sensualité. Et d'abord le voile dissimule une beauté.

Une réflexion, parmi d'autres, révélatrice de cet état d'esprit, nous a été faite par un européen de passage en Algérie et qui, dans l'exercice de sa profession, il était avocat, avait pu voir quelques algériennes dévoilées. Ces hommes, disait-il, parlant des Algériens, sont coupables de couvrir tant de beautés étranges. Quand un peuple, concluait cet avocat, recèle de telles réussites, de telles perfections de la nature, il se doit de les montrer, de les exposer. A l'extrême, ajoutait-il, on devrait pouvoir les obliger à le faire.

Dans les tramways, dans les trains, une tresse de cheveux aperçue, un morceau de front, esquisse d'un visage « bouleversant », entretiennent et renforcent la conviction de l'Européen dans son attitude irrationnelle : la femme algérienne est la reine de toutes le femmes.

Mais également, il y a chez l'européen cristallisation d'une agressivité, mise en tension d'une violence en face de la femme algérienne. Dévoiler cette femme, c'est mettre en évidence la beauté, c'est mettre à nu son secret, briser sa résistance, la faire disponible pour l'aventure. Cacher le visage, c'est ainsi dissimuler un secret, c'est faire exister un monde du mystère et du caché. Confusément, l'Européen vit à un niveau fort complexe sa relation avec la femme algérienne. Volonté de mettre cette femme à la portée de soi, d'en faire un éventuel objet de possession. Cette femme qui voit sans être vue frustre le colonisateur. Il n'y a pas réciprocité. Elle ne se livre pas, ne se donne pas, ne s'offre pas. L'Algérien a, à l'égard de la femme algérienne, une attitude dans l'ensemble claire. Il ne la voit pas. Il y a même volonté permanente de ne pas apercevoir le profil féminin, de ne pas faire attention aux femmes. Il n'y a donc pas chez l'algérien, dans la rue ou sur une route, cette conduite de la rencontre intersexuelle que l'on décrit aux niveaux du regard, de la prestance, de la tenue musculaire, des différentes conduites troublées auxquelles nous a habitué la phénoménologie de la rencontre.

L'Européen face à l'Algérienne veut voir. Il réagit de façon agressive devant cette limitation de sa perception. Frustration et agressivité ici encore vont évoluer en parfaite harmonie.

L'agressivité va se faire jour, d'abord dans des attitudes structurellement ambivalentes et dans le matériel onirique que l'ont met en évidence indifféremment chez l'Européen normal ou souffrant de troubles névrophatiques.

Dans une consultation médicale par exemple, à la fin de la matinée, il est fréquent d'entendre les médecins européens exprimer leur déception. Les femmes qui se dévoilent devant eux sont banales..., vulgaires..., il n'y a vraiment pas de quoi faire un mystère...On se demande ce qu'elles cachent.

Les femmes européennes règlent le conflit avec beaucoup moins de précaution. Elles affirment, péremptoires, qu'on ne dissimule pas ce qui est beau, et décèlent dans cette coutume étrange une volonté « bien féminine » de dissimuler les imperfections. Et de comparer la stratégie de l'Européenne qui vise à redresser, à embellir, à mettre en valeur (l'esthétique, la coiffure, la mode) et celles de l'Algérienne, qui préfère voiler, cacher, cultiver le doute et le désir de l'homme. A un autre niveau, on avance qu'il y a volonté de tromper sur la » marchandise » et qu'à l'empaqueter on n'en modifie pas réellement sa nature, ni sa valeur.


La matériel onirique fourni par mes Européens précise d'autres thèmes privilégiés. J-P Sartre, dans ses « Réflexions sur la Question Juive », a montré qu'au niveau de l'inconscient, la femme juive a presque toujours un fumet de viol.

L'histoire de la conquête française en Algérie relatant l'irruption des troupes dans les villages, la confiscation des biens et le viol des femmes, la mise à sac d'un pays, a contribué à la naissance et à la cristallisation de la même image dynamique. L'évocation de cette liberté donnée au sadisme du conquérant à son érotisme, crée, au niveau des stratifications psychologiques de l'occupant, des failles, des points féconds où peuvent émerger à la fois des conduites oniriques et dans certaines occasions des comportements criminels.

C'est ainsi que le viol de la femme algérienne dans un rêve d'Européen est toujours précédé de la déchirure du voile. On assiste là, à une double défloration. De même la conduite de la femme n'est jamais d'adhésion ou d'acceptation, mais de prosternation.

Chaque fois que l'Européen, dans des rêves à contenu érotique rencontre la femme algérienne, se manifestent les particularités de ses relations avec la société colonisée. Ces rêves ne se déroulent ni sur le même plan érotique, ni au même rythme que ceux qui mettent en jeu l'Européenne.

Avec la femme algérienne, il n'y a pas de conquête progressive, révélation réciproque, mais d'emblée, avec le maximum de violence, possession, viol, quasi meurtre. L'acte revêt une brutalité et un sadisme paranévrotiques même chez l'Européen normal. Cette brutalité et ce sadisme sont d'ailleurs soulignés par l'attitude apeurée de l'Algérienne. Dans le rêve, la femme victime crie, se débat telle une biche, et défaillante, évanouie, est pénétrée, écartelée.

Il faut également souligner dans le matériel onirique un caractère qui nous paraît important. L'Européen ne rêve jamais d'une femme algérienne prise isolément. Les rares fois où la rencontre s'est nouée sous le signe du couple, elle s'est rapidement transformée par la fuite éperdue de la femme qui inéluctablement, conduit le mâle « chez les femmes ». L'Européen rêve toujours d'un groupe de femmes, qui n'est pas sans évoquer le gynécée, le harem, thèmes exotiques fortement implantés dans l'inconscient.

L'agressivité de l'Européen va également s'exprimer dans ses considérations de la moralité de l'Algérienne. Sa timidité et sa réserve vont se transformer selon les lois banales de la psychologie conflictuelle en leur contraire et l'Algérienne sera hypocrite, perverse, voire authentique nymphomane.

On a vu que très rapidement la stratégie coloniale de désagrégation de la société algérienne, au niveau des individus, accordait une place de premier plan à la femme algérienne. L'acharnement du colonialiste, ses méthodes de lutte vont naturellement provoquer chez le colonisé des comportements réactionnels. Face à la violence de l'occupant, le colonisé est amené à définir une position de principe à l'égard d'un élément autrefois inerte de la configuration culturelle autochtone. C'est la rage du colonialiste à vouloir dévoiler l'Algérienne, c'est son pari de gagner coûte que coûte la victoire du voile qui vont provoquer l'arc boutant de l'autochtone. Le propos délibérément agressif du colonialiste autour du haïk donne une nouvelle vie à cet élément mort, parce que stabilisé sans évolution dans la forme et dans les coloris, du stock culturel algérien. Nous retrouvons ici l'une des lois de la psychologie de la colonisation. Dans un premier temps, c'est l'action, ce sont les projets de l'occupant qui déterminent les centres de résistance autour desquels s'organise la volonté de pérennité d'un peuple.